« Vivre ensemble », deuxième Conversation Atypique
Le “Vivre ensemble”, thématique de la deuxième Conversation Atypique
Pour cette deuxième Conversation Atypique, notre fondateur et dirigeant du réseau, Julien Haussy, reçoit Guy Tapie, Professeur et chercheur en sociologie, architecture et urbanisme et Nolwenn Malherbe, directrice de l’agence ADEQUATION de Bordeaux, qui aide les acteurs de l’immobilier à la prise de décision pour leurs projets, en s’appuyant sur des données qualifiées remontées par les observatoires régionaux sur le logement.
Dans cette nouvelle vidéo, est évoquée la notion du “Vivre ensemble”. Chamboulée par une plus grande promiscuité durant la crise de ces derniers mois, cette notion a mis en lumière les faiblesses et les qualités de nos lieux de vie. Une discussion qui a pour ambition de dessiner un possible nouvel imaginaire résidentiel, et d’évoquer l’équilibre entre individualité, socialité, et mise en commun des espaces.
En somme, quelles sont les nouvelles zones urbaines qui répondent à nos besoins d’habitat ?
Vers un nouvel imaginaire résidentiel
Pour Guy Tapie, le confinement a suggéré “une invitation à redéfinir nos modes de vie” qui “a interrogé les experts du domaine : on a eu l’impression qu’on se dirigeait vers d’autres modes d’habiter, d’autres modes d’architecture de l’habitat”.
Pour Nolwenn Malherbe, il est bon de se questionner : “Est-ce que la pandémie a marqué un coup d’arrêt ou un changement profond ?”. Pour elle, il s’agit surtout d’“une continuité, ou la continuité de tendances déjà engagées”. Par exemple, la construction des espaces partagés, collectifs, autrefois une tendance à la marge, va continuer, mais restera quand même à la marge.
Guy Tapie rebondit en affirmant que “notre société privilégie l’individualité sinon l’individualisme, et que notre “mise sous cloche” pendant deux mois à mis en exergue l’importance des contacts que l’on avait avec l’extérieur, des contacts humains : avec les voisins, dans les endroits de sociabilité, qui sont le support de rapports existentiels forts dans nos sociétés.”
Les zones péri-urbaines : le nouvel eldorado ?
Nolwenn Malherbe affirme que “les zones péri-urbaines ce sont tellement développées aujourd’hui qu’elles offrent un habitat individuel très qualitatif, avec une vraie qualité de service”, ce qui manquait auparavant.
Guy Tapie souligne qu’elles mettent sur le devant de la scène ”la question centrale de la mobilité”, qui est un des points de réserve des citadins.
Julien Haussy note pourtant parmi les clients Espaces Atypiques “une nouvelle volonté d’aller plus loin, quitte à faire un peu de transports, pour un meilleur confort.” Cela est rendu possible grâce à l’essor du télétravail, encore une fois renforcé ces derniers mois. “Les gens font des offres sur ces biens plus éloignés, sur lesquels il n’y avait pas de demande : on note un nouvel intérêt, un vrai engouement. Une tendance non pas isolée mais qui se confirme.”
Un nouveau rapport à l’espace
Guy Tapie voit en le télétravail une invitation à “bousculer la représentation de l’espace domestique”, et une bonne nouvelle lorsqu’il s’agit de “réduire les déplacements et lutter contre le réchauffement climatique”. Il s’agit pour lui d’une “nouvelle raison d’être, de repenser le chez soi, sa représentation de l’intimité, notamment en famille.”
En matière d’aménagement de l’espace, Julien Haussy montre justement en l’essor du loft, qui est en fait “un ancien commerce, une ancienne industrie, usine, transformés en habitation” la possibilité de s’offrir l’avantage d’“un logement au statut mixte qui permet d’exercer une activité et d’habiter sur un même lieu, souvent un lieu très ouvert”. Cela sous-tend la nécessité “d’allouer à chaque partie du lieu une fonction à chaque pièce bien définie, parce que mélanger les activités personnelles et professionnelles dans le même espace peut être problématique à termes”.
Des tendances inspirées du passé
Nolwenn Malherbe rappelle qu’en zones tendues, on pourrait voir émerger “des services mutualisés au sein d’immeubles”, notamment “un espace de bureaux au sein des résidences, pour optimiser l’espace, à cause des prix au m2 élevés et de la forte demande.”
Guy Tapie alerte sur la nécessité de penser la qualité de “ces espaces publics mutualisables, des services partageables” depuis le départ. Mixer les fonctions de ces espaces nécessite “une plus grande attention dédiée à la conception de ces espaces partagés, publics, de services”. Penser est déjà un début, mais il faut aussi “les dessiner architecturalement pour répondre aux besoins, aux échanges”.
Julien Haussy soulève un exemple de co-living qu’Espaces Atypiques a l’habitude de commercialiser : les anciennes usines réhabilitées en lofts, dès les années 1990. Sous l’impulsion de Pierre Bertheau, dont l’action s’est notamment concentrée à Ivry, ce sont organisées de micro-communautés, qui visaient à “réunir sur un site des personnes ayant des activités proches, pour favoriser la synergie par les échanges, le tout dans une grande proximité”. Ici, principalement, des artistes ou artisans, mais cela pourrait s’ouvrir à d’autres corps de métier. On a vu aussi une vie de quartier se réinventer, avec des espaces qui deviennent des “nouveaux lieux d’accueil pour des manifestations culturelles”. C’était, selon Julien Haussy, “un lieu mixte où habiter et travailler à la fois, un bon exemple de co-working, co-living avant l’heure.”
Nolwenn Malherbe évoque les cités paternalistes de Citroën et Renault, qui, “malgré leurs défauts”, proposaient à leurs habitants d’aller à l’école, au travail et habiter au même endroit. “Les habitants n’avaient pas besoin de sortir. »
La part belle aux espaces verts
Les trois intervenants discutent ensuite de la place donnée à la nature dans les villes aujourd’hui. Nolwenn Malherbe raconte que cet élément est de plus en plus souvent introduit, notamment en réponse à la question environnementale. Les villes s’appliquent à “mettre plus de vert dans l’espace public” ou les projets. “Le Corbusier en était un précurseur notable”.
“Son exemple le plus probant, ajoute Julien Haussy, est “la cité radieuse du Corbusier à Marseille, un espace communautaire ouvert sur la nature, multipliant les services et construit à la verticale.” (NDLR : pour optimiser l’espace)
“Dans les cités-jardins, on combinait autrefois équipements publics, lieux commerciaux et fonctions d’habitat” explique Guy Tapie. “Le confinement va sûrement amplifier cette tendance-là qui était présente”.
En filigrane, que reste-t-il ?
Davantage d’espaces communautaires, explosion de l’économie des tendances “co-”, des logements ouverts, plus verts et des bâtiments où l’on pourrait mener toutes les activités constituant notre quotidien, c’est ce que prédisent les trois experts.
Si la crise a mis en lumière et fait le tri dans certaines tendances du logement, les bases du changement sont là, et bien là : il ne reste plus qu’à faire !