2020, la réinvention du “chez soi” ?
Les événements récents et la crise que nous avons traversés ont redistribué les cartes, refaçonné notre perception du logement. Les envies qu’on voyait se dessiner ces dernières années se sont cristallisées, comme cela était expliqué lors de notre première Conversation Atypique, qui a permis à notre fondateur et dirigeant du réseau Julien Haussy d’échanger avec Gaëlle Cuisy, architecte et chroniqueuse TV du cabinet GplusK Architectes, et Jessica Venancio, décoratrice d’intérieur, chroniqueuse pour Teva (Teva Déco) et M6 (Mieux chez soi), ici.
En éclairage : nous recherchons davantage à cloisonner nos espaces, à faire entrer la lumière naturelle et l’extérieur, mais aussi de faire de nos intérieurs le reflet de ce que nous sommes vraiment.
Un besoin d’espace : l’exode vers la campagne
En ce début d’année, nous nous sommes rendus compte de l’importance de l’espace, du volume des logements dans lesquels nous habitons. Le besoin de nature s’est accéléré et l’idée de l’exode chez les plus citadins d’entre nous s’est renforcée.
17 %, des habitants de la capitale ont fui la ville dès le début du confinement, tandis que 60 % des recherches sur seloger.com incluait des demeures avec jardin.
Jessica Venancio l’explique dans notre première Conversation Atypique :
“On voit se renforcer les envies de lumière naturelle. De plus en plus de gens se rendent compte que c’est primordial. Et puis faire entrer plus de verdure, l’envie de faire rentrer l’extérieur. On a besoin de respirer.”
L’attrait de la campagne à ses vertus, que certains produits jusque là inexistants ont bien compris. Parmi eux, le magazine Regain, lancé l’année dernière, ou encore les nouveaux aménagements pensés pour faire son jardin de balcon en ville : des jardinières à compost, en microformats, à lumière artificielle intérieure. On observe même aujourd’hui cette tendance dans les musées. La référence en matière culturelle, le musée Guggenheim à New York, a même programmé cette année une exposition appelée “Countryside, The Future”, que vous pouvez explorer en ligne dans une courte vidéo.
Un phénomène que le géographe américain Joel Kotkin appelle « L’âge de la dispersion » dans son article publié en écho à son livre, L’ère du néo-féodalisme : une préoccupation de la classe moyenne mondiale, qui paraît ce mois-ci. Il y raconte demain la migration de citoyens délaissant des mégalopoles devenues hors de prix, étouffantes, mais aussi aujourd’hui menaçantes. Un phénomène accentué par la crise, mais nuancé par beaucoup, notamment par les Français Patrick Poncet et Olivier Vilaça dans une tribune sur Libération, qui ramène cette mécanique sociologique au contexte COVID. Si les raisons pour lesquelles les urbains quittent la ville sont davantage son inconfort, sa spatialité pauvre, ses espaces vécus abougris… restent que les grandes métropoles ont encore et toujours des nombreux attraits dont la proximité, le dynamisme et la capacité à offrir des emplois.
Travailler n’importe où, quand, comment
Car voici une autre raison qui chamboule le quotidien de nos logements : l’essor du télétravail.
Il concerne actuellement 30 % des salariés, dont 50 % des cadres, contre 3 % auparavant.
Et cela s’est encore accentué ces deux derniers mois. La fibre est partout, le travail à distance a été vécu comme une nécessité, une solution miracle à la crise… Si certains employés étaient conquis, cette étape a terminé de convaincre les entreprises. Dans certains grands groupes et grandes entreprises, cela apparaît comme la nouvelle hygiène de vie professionnelle : moins d’espace à prévoir, moins de collaborateurs à accueillir, plus de flexibilité…
Le think tank Terra Nova a publié le 30 avril une note qui affirme que
58 % des personnes interrogées (1800 au total) « souhaitent à l’avenir travailler plus souvent » depuis leur domicile. 75 % affirment être familiarisés avec les « outils du travail à distance » et la quasi-totalité (88 %) « ont le sentiment d’être complètement ou au moins partiellement équipés ».
Les plus réticents sont ceux qui expliquent la difficulté, en confinement, de conjuguer espace de travail et de vie familiale.
En effet,
42 % des sondés ne disposent pas d’un « espace de travail dédié » à la maison.
Une problématique que Gaëlle Cuisy soulève très bien dans notre premier volet de notre Conversation Atypique :
“Le télétravail va sans doute perdurer, et l’espace du bureau à la maison va être sérieusement repensé pour qu’il y ait une véritable zone, qu’il y ait une pensée pour l’acoustique… en tout cas faire comprendre à la famille qu’il y a une zone à délimitée, virtuelle, qu’on ne doit pas franchir quand on est en mode de travail. Avec les enfants à la maison, il n’y a plus de barrières comme d’habitude. C’est compliqué !”
Et le télétravail va fortement impacter l’immobilier.
Hervé Parent, président de l’Institut du management des services immobiliers, fait le point. Il explique : “On assiste davantage à une restructuration du paysage de la transaction qu’à une révolution, mais les professionnels doivent s’adapter.” Vous pouvez voir le détail ici.
La question de la nécessité de vivre le logement comme un espace à soi, Mona Chollet l’a largement étudié, dans son ouvrage “Chez soi, une odyssée de l’espace domestique” largement relayé depuis le 15 mars.
Chez soi, ou le besoin d’exprimer qui nous sommes au coeur de nos habitats
Une inclinaison qu’Espaces Atypiques a compris, et ce depuis sa création, en proposant à ses clients des offres différentes, en lesquelles chacun a le loisir de se retrouver.
“Dans une époque dure et désorientée, une base arrière où l’on peut se protéger, refaire ses forces, se souvenir de ses désirs. Dans l’ardeur que l’on met à se blottir chez soi ou à rêver de l’habitation idéale s’exprime ce qu’il nous reste de vitalité, de foi en l’avenir. (…) Autant de préoccupations à la fois intimes et collectives, passées ici en revue comme on range et nettoie un intérieur empoussiéré : pour tenter d’y voir plus clair, et de se sentir mieux.” – Mona Chollet, “Chez soi, une odyssée de l’espace domestique”
En feuilletant les pages de ce livre, on ne peut pas s’empêcher d’y voir un manuel de survie pour apprendre ou réapprendre à vivre bien chez soi. Mais pas que. Dans un des chapitres, Mona Chollet évoque l’habitat comme un lieu d’expression, le besoin de se réaliser à travers une décoration ou un réorganisation d’espace. Un besoin qui a déjà résonné en chacun de nous, que ce soit auparavant ou ces derniers temps.
“De la réalisation de soi à la construction de soi : faire un domicile à son image. (…) tisser la métaphore du domicile comme identité sociale, (…) l’intuition de savoir qui l’on est à la façon dont on investit son chez-soi. Et le domicile d’apparaître dans le vertige de mille possibles à construire, pour peu que l’on en prenne soin, que l’on y consacre du temps et de la disponibilité.” – Mona Chollet, “Chez soi, une odyssée de l’espace domestique”
Mona Chollet déconstruit ainsi le mythe de la maison idéale. Elle vante davantage le besoin de se sentir chez soi… chez soi, comme un espace qui nous appartiendra et où on se sent bien.
Comme l’évoque Jessica Venancio dans le premier épisode de nos Conversations Atypiques :
“Aujourd’hui, on a envie d’un intérieur, d’une décoration qui nous ressemble, qui nous est propre. On a plus du tout envie d’avoir une décoration de catalogue. On a vraiment envie de quelque chose de douillet, de personnel, et on va aujourd’hui davantage oser l’accidentalisme : faire des bêtises, ressortir des objets qu’on cachait. Il y a quelque chose de très sincère qui arrive dans nos intérieurs.”
De la sincérité offerte aux autres, mais aussi à soi. Une histoire de réalisation de ses envies et de bien-être, que l’on comprend de plus en plus, et qui traduisent des choix différents en décoration, réagencement de l’espace et choix d’un logement.
Julien Haussy, notre fondateur et dirigeant du réseau le souligne et l’évoque dans notre première Conversation Atypique :
“C’est une quête du Graal : les gens veulent la lumière, le volume, ils veulent un espace extérieur. On a peu de clients qui cherchent de manière rationnelle “tant de chambre”, “tel quartier”… Ils marchent au coup de coeur, à ressentir les choses, et si le logement n’est pas à leur goût, ils vont vraiment le faire eux-mêmes ou faire appel à des architectes comme vous. ”
Quelques biens atypiques coups de coeur des propriétaires :
Vers une ère de l’être et non plus du paraître ? L’isolation subite, les envies de retrait hors du monde, que ce soit pour le repos, avoir un espace à soi, partir en vacances à la campagne, trouver une respiration, s’impose la nécessité de trouver le logement qui nous ressemble, et où on se sent bien.