« La vie en bi-résidence : entre mythe et réalité », troisième Conversation Atypique
Le dernier éclairage de nos Conversations Atypiques traite du désir de plus en plus marqué, partagé par de nombreux citadins, de diviser leur vie en deux volets : un à la ville, un autre à la campagne. Un retour à la nature bien mérité, la possibilité de multiplier les résidences, de vivre sans compromis…. autant d’avantages que le confinement, mais aussi auparavant l’effet TGV dans certaines villes, la réduction du temps de travail, ou le télétravail ont mis en lumière.
Guy Tapie, professeur en Sociologie, Nolwenn Malherbe, directrice d’agence ADEQUATION et Julien Haussy, fondateur et dirigeant du réseau Espaces Atypiques se rencontrent pour échanger autour des questions suivantes : quel est l’impact de la résidence secondaire sur le développement des infrastructures, et sur l’économie de ces nouvelles zones ? Pourquoi les citadins ont besoin de multiplier les modes de vie ?
La quête d’un idéal : créer un monde à soi
Au cours de ces derniers mois, sous l’effet de la crise, Nolwenn Malherbe raconte qu’un tiers des parisiens se sont retirés ailleurs, en campagne, sur le littoral, le plus souvent dans leur pieds à terre. Un nouveau paradigme se pose : d’un côté, un besoin de s’échapper si fort qu’il nous pousse à changer radicalement de lieu de résidence, de l’autre la découverte d’un entre-deux, celui des charmes de garder un pied à la ville tout en ayant l’autre ailleurs, dans son logement secondaire. On appelle ça la bi-résidentialité. Certains vont même jusqu’à inverser le cours de leur vie en faisant de leur résidence secondaire… leur résidence principale, tout en conservant leur bien en ville pour pouvoir profiter du dynamisme, notamment culturel, des grandes villes.
Pourquoi ? Guy Tapie évoque le besoin évoqué par le sociologue Jean-Didier Urbain de “se créer un monde à soi”. Un besoin de découverte, de renouvellement, et de vivre en marge de la société, auquel la résidence secondaire, par définition, répond. On évolue dans des environnements jugés anxiogènes (et la pandémie a renforcé ce sentiment) à cause, entre autre, d’un rythme intense de travail, de la pollution, du stress des déplacements, de la “peur de l’autre”. La bi-résidentialité nous offre le loisir de souffler et de prendre un temps de pause… hors-du-temps.
Julien Haussy note en cela une tendance. Espaces Atypiques a vu, au déconfinement, de nombreux parisiens, lyonnais, bordelais, se mettre à chercher un deuxième habitat, et cela vaut pour tout type de personnes avec tout type de budget. Cette diversité de profils permet d’ajouter une couche supplémentaire de dynamisme sur les zones les plus attractives : selon le niveau de budget, on cherche à deux… ou trente minutes de la mer, pour un bien plus accessible et plus au calme.
Le mythe d’un nouveau souffle économique
Nolwenn Malherbe explique qu’il s’agit d’une réalité à double tranchant : si ces mouvements renforcent un intérêt pour les résidences secondaires, certaines zones, notamment littorales, sont déjà très développées. Se pose alors la question de la préservation de l’environnement : si cela peut mener à de nouveaux enjeux d’urbanisme, la place à une plus grande urbanisation est impossible. On parlera donc davantage de renouvellement que de reconstruction.
Alors est-ce qu’il se pourrait que les économies changent ? Elles ont en réalité déjà bien changé sur une grande partie du littoral. Certaines zones qui vivaient autrefois uniquement pendant la saison estivale sont devenues des villes à part entière. Notamment dans le Languedoc-Roussillon, où La Grande Motte créée par Jean Balladur en 1962, voit à présent son économie fonctionner à l’année. Quant aux campagnes, il faudrait un exode important pour observer des changements à grande échelle. Or, pour l’instant le phénomène reste marginal : si cela aide grandement à l’économie locale, pas de grands mouvements notables.
Quand deux mondes se rencontrent
Guy Tapie soulève un point important : la cohabitation peut s’avérer compliquée. Des tensions peuvent naître entre les deux populations qui ont des attentes et des modes de vie bien différents. Si les résidents temporaires peuvent redynamiser l’économie locale, ils ne le font que sur les périodes de vacances, et avec des demandes de services et des besoins plus “citadins”. Les résidents permanents, eux, ont d’autres attentes, d’autres intérêts, et sont présents tout au long de l’année.
Julien Haussy souligne que la résidence secondaire a pour attrait de fournir aux citadins un nouveau terrain d’expression, un nouveau souffle de vie ou de retrouver leurs racines, elle permet aussi de rénover l’habitat et sublimer le patrimoine. Mais attention : elle ne doit pas faire le sujet d’un exode des citadins qui imposent un nouveau mode de vie en s’installant. Pour que l’intégration ou la mutation soit faite correctement, elle doit l’être faite en accord avec les collectivités locales… pour respecter des modes de vie locaux et les traditions des habitants.
Pour finir, quelques cas emblématiques de résidences secondaires :
Des zones entièrement dédiées aux résidences secondaires
Certaines zones sont entièrement réservées à la résidence secondaire, habitables uniquement une partie de l’année, et notamment en Île-de-France, sur l’île de Mézy, où se situe ce chalet de forme scandinave.
Des zones très prisées pour le bi-résidentiel
D’autres sont réputées en “zone tendue” en termes d’habitat mais aussi de résidence secondaire, notamment à La Baule, où se trouve cette maison très contemporaine, d’architecture radicale, avec des lignes très pures.
Le littoral, depuis toujours le favori
La résidence secondaire par excellence, c’est un bien situé en bord de mer, ouvert sur l’horizon. Pour parfaitement illustrer cette image, cet appartement ouvert, très lumineux, situé sur le littoral, non loin de Nice.